Cours lumières 3.pdf


Aperçu du fichier PDF cours-lumieres-3.pdf

Page 1 2 3 4




Aperçu texte


Fromentin nous a habitué à un travail d’exploration méticuleux sous forme explicite
d’un reportage mêlant les descriptions de tableaux à l’analyse plus précise des éléments
qui fondent la peinture, couleur, dessin. Son étude qui met l’accent sur le rôle primordial
de la couleur est consacrée à la peinture dans les musées belges et hollandais.
Ce livre est riche, très clair et discutable à souhait. Le morceau de bravoure en est la
critique du célèbre tableau de Rembrandt, La Ronde de nuit. 1642, Rijkmuseum
Amsterdam.
L’auteur y précise quelques approches de la couleur, celle du coloriste par exemple :
« Enfin – et c’est là le trait à bien retenir dans cette définition plus que sommaire – un
coloriste proprement dit est un peintre qui sait conserver aux couleurs de sa gamme
quelle qu’elle soit, riche ou non, rompue ou non, compliquée ou réduite, leur principe,
leur propriété, leur résonnance et leur justesse, et cela partout et toujours, dans
l’ombre, dans la demi-teinte et jusque dans la lumière la plus vive. C’est par là surtout
que les écoles et les hommes se distinguent. Prenez une peinture anonyme, examinez
quelle est la qualité du ton local, ce qu’il devient dans la lumière, s’il persiste dans la
demi-teinte, s’il persiste dans l’ombre la plus intense, et vous pourrez dire avec certitude
si cette peinture est ou n’est pas l’œuvre d’un coloriste, à qu’elle époque, à quel pays, à
quelle école elle appartient. » Le cheminement de la lumière et de ses teintes est étudié
au long d’une œuvre, ce fil tenu du temps et de l’espace en peinture, comme preuve d’un
travail de coloriste.
A cette définition du coloriste, Eugène Fromentin oppose la volonté que Rembrandt a
d’illuminer ses personnages : « La lumière en soi n’est rien : elle est le résultat de
couleurs diversement éclairées et diversement rayonnantes d’après la nature du rayon
qu’elles renvoient ou qu’elles absorbent. Telle teinte très foncée peut être
extraordinairement lumineuse ; telle autre très claire peut au contraire ne l’être pas du
tout. ».
L’auteur formule aussi une distinction entre la lumière et une « pensée » des couleurs,
leur affect. Une « pensée » possible des couleurs serait donc praticable en peinture, on
peut y trouver une formulation qui définit certaines formes de la peinture elle même :
« L’art de peindre n’est que l’art d’exprimer l’invisible par le visible ; petites ou grandes,
ses voies sont semées de problèmes qu’il est permis de sonder pour soi comme des
vérités, mais qu’il est bon de laisser dans leur nuit comme des mystères. » La
formulation de cette idée de l’art entre dire et silence, nous pouvons la remarquer dans
l’art de Rembrandt.

On trouve dans l’ouvrage de Fromentin un plaisir certain de la lecture qui me semble
parfois renforcé par la « description » précise des toiles, sortes d’Ekphrasis,
descriptions détaillées, peintures faites écritures, discours, cheminements d’une teinte à
l’autre. Il peut être intéressant de relever la fréquence dans un discours critique sur la