ombres et lumieres 4.pdf


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grandes formules de l’art. Enfin, c’est plus ou moins un journal intime, avec ses aveux,
ses hésitations, ses enthousiasmes et ses regrets : l’artiste monologue sur ce qu’il a vu et
ressenti. ».
Nous voici bien loin d’une sécheresse critique qui isolerait et abîmerait son sujet : les
tableaux sont mis en situation. Ils éclairent le pays comme le pays les éclaire.
Ainsi : « Rien qu’à voir ici les habitations en lanterne où les vitres tiennent autant de
place et ont l’air d’être plus indispensables que la pierre, les petits balcons
soigneusement et pauvrement fleuris et les miroirs fixés aux fenêtres, on comprend que
dans ce climat l’hiver est long, le soleil infidèle, la lumière avare, la vie sédentaire et
forcément curieuse ; que les contemplations en plein air y sont rares, les jouissances à
huit clos très vives, et que l’œil, l’esprit et l’âme y contactent cette forme d’investigation
patiente, attentive, minutieuse, un peu tendue, pour ainsi dire clignotante, comme à tous
les penseurs hollandais, depuis les métaphysiciens jusqu’aux peintres. (Pensez à
Vermeer de Delft et notamment les « lectrices des lettres »).
Cette réflexion sur la lumière intérieure et extérieure est un des charmes au sens fort du
terme que nous trouvons dans les écrits de Eugène Fromentin, sa volonté critique
d’écrire et de décrire le problème et la place de la couleur en peinture. L’importance de
la couleur révèle une véritable pensée du monde, elle est chargée d’attention, aux
confins des pratiques artistiques elle en révèle une forme essentielle mais également un
tournant historique, le rapport entre la photographie et la photographie étant en train
de s’établir, citons ce livre encore : « La photographie quant aux apparences des corps,
l’étude photographique quant aux effets de la lumière ont changé la plupart des manière
de voir, de sentir et de peindre. A l’heure qu’il est la peinture n’est jamais assez claire,
assez nette, assez formelle, assez crue. Il semble que la reproduction mécanique de ce
qui est soit aujourd’hui le dernier mot de l’expérience et du savoir, et que le talent
consiste à lutter d’exactitude, de précision, de force imitative avec un instrument ».
On pourra se référer au catalogue de l’exposition Gustave Courbet, Paris, New York,
Montpellier, 2008, ainsi que Eugène Boudin, L’atelier de la lumière, musée d’art moderne
André Malraux, Le Havre, 2016, pour argumenter ce débat. « Si vous avez eu quelques
fois le loisir de faire connaissances avec ces beautés météorologiques, vous pourrez
vérifier par mémoire l’exactitude des observations de M. Boudin. » (Charles Baudelaire,
Salon de 1859)
Eugène Fromentin, son approche mentale, le fera prendre position contre la peinture en
plein air : « Le paysage fait tous les jours plus de prosélytes qu’il ne fait de progrès. Ceux
qui le pratiquent exclusivement n’en sont pas plus habiles ; mais il est beaucoup plus de
peintres qui s’y exercent. Le plein air, la lumière diffuse, le vrai soleil, prennent
aujourd’hui, dans la peinture et dans toutes les peintures, une importance qu’on ne leur
avait jamais reconnue, et que, disons le franchement, il ne mérite point d’avoir. » Une
fois encore l’enjeu luminescent est posé.
On ne saurait passer sous silence l’écriture des couleurs, précise, subtile et violente
extraite de la correspondance de Vincent Van Gogh. Dans ces lettres, le peintre fait de
nombreuses allusions à la couleur, il rend aussi hommage à l’ouvrage d’ Eugène
Fromentin : « J’ai lu avec plaisir Les Maîtres d’autrefois, de Fromentin ; en différents